Désir, choix du partenaire, émotions : ce que la pilule fait à votre cerveau
SOURCE : https://www.alternativesante.fr/contraception/desir-choix-du-partenaire-emotions-ce-que-la-pilule-fait-a-votre-cerveau
La pilule serait-elle un éléphant dans le magasin de porcelaine de l’évolution ?
C’est en substance la thèse que développe le docteur Sarah E. Hill, spécialiste renommée en psychologie de l’évolution dans son dernier ouvrage This is your brain on birth control (NDLR : "Voici votre cerveau sous pilule"). Un livre éclairant aux conclusions vertigineuses tant pour les femmes que pour le monde qui les entoure.
La pilule contraceptive a révolutionné la vie des femmes depuis plusieurs décennies. Toutefois, nous commençons à peine à réaliser les nombreux impacts qu’elle a sur leurs corps. En permettant aux femmes de nouveaux comportements et par le biais de mécanismes hormonaux subtils, la pilule affecterait le choix de leurs partenaires, leur sexualité, leurs émotions ou encore leurs capacités d’apprentissage. Outre-Manche, les ouvrages sur le sujet se multiplient mais celui-ci est le premier à s’intéresser à ce que la pilule fait au cerveau des femmes et aux conséquences, inattendues, sur nos sociétés.
Haro sur la pilule ?
Chercheuse de premier plan devenue une autorité en approches évolutives en psychologie et en santé, Sarah E. Hill est également professeure de psychologie sociale à l'Université chrétienne de Fort Worth, au Texas. Est-elle contre la pilule ? Absolument pas. Comme elle le précise en début d’ouvrage :
« Je n’ai pas d’intentions cachées. […] J’ai passé plus de dix ans de ma vie sous pilule et je suis à peu près certaine que c’était pour le meilleur. [Ceci dit,] bien que la pilule ait permis aux femmes un nombre incalculable de choses extraordinaires, tout cela a un prix, parfois élevé, et la plupart des femmes ignorent totalement qu’elles le paient. »
Pour elle, une chose est sûre, en changeant l’activité du cerveau, la pilule peut, par effet domino, agir sur de nombreux aspects de la vie d’une femme. Ce qui signifie que la portée du « petit comprimé miracle » s'étend bien au-delà du corps des femmes. Elle aurait en réalité un impact majeur sur nos sociétés pour le meilleur, comme pour le pire…
« Nous sommes nos hormones »
Premier postulat du livre :
notre biologie est au cœur de ce que nous faisons et ressentons, donc de ce que nous sommes. Même si nous tentons de l’oublier avec force, toutes les études montrent que les hormones jouent un rôle clef dans notre personnalité parce que nos systèmes nerveux et endocriniens sont les chefs d’orchestre de nos organismes.
Or les hormones sexuelles, celles modifiées par la pilule, sont celles qui ont le plus fort impact sur notre cerveau, donc nos comportements.
Chez la femme, les œstrogènes sont responsables de « tout ce qui fait d’une femme une femme » et presque toutes les cellules du cerveau ont des récepteurs aux hormones sexuelles.
Comment, dès lors, imaginer que modifier profondément le climat hormonal des femmes n’aurait qu’un effet isolé sur l’ovulation et aucun impact sur leur cerveau ? Pour Hill, c’est très clair, une femme développe une « version différente d’elle-même » sous pilule. Dire cela n’a rien d’antiféministe puisque le même mécanisme est à l’œuvre chez l’homme. Chez les deux sexes, et malgré nos aspirations modernes à l’autodétermination, notre libre arbitre se déploie dans un espace de choix en partie hormonalement imprégnés.
Choix du partenaire : le radar féminin « brouillé » ?
Par exemple, la pilule influencerait le type d’homme qui attire la femme.
Si tout cela paraît bassement « animal », n’oublions pas que nous sommes des animaux façonnés par des millénaires de sélection génétique et de réflexes de survie inconscients ancrés au plus profond de nos cellules. La recherche nous montre que les œstrogènes naturellement sécrétés par une femme en période péri-ovulatoire — donc de potentielle fécondité — la poussent à chercher un partenaire sexuel à la « meilleure génétique possible » afin d’augmenter les chances d’une grossesse et d’une progéniture en bonne santé.
La femme choisit alors un partenaire aux gènes les plus éloignés des siens et aux caractéristiques physiques laissant présager de bonnes aptitudes à la survie. Ce sont les caractéristiques « viriles » : grande taille, voix grave, pilosité plus développée, démarche assurée, ambition, etc.
Sous pilule, comme en témoignent plusieurs études notamment sur l’odorat, la désirabilité et la sélection du partenaire, ce radar se brouille. La femme semble alors incapable de repérer le partenaire à la génétique la plus compatible avec la sienne, et se dirige également vers des hommes perçus comme moins virils. Sachant que 150 millions de femmes prennent des contraceptifs hormonaux dans le monde, cela pourrait avoir des conséquences inattendues sur l’évolution de l’espèce humaine et de sa fertilité puisque les couples aux gènes moins compatibles auraient plus de difficultés à atteindre une grossesse et à la mener à terme.
Des relations de couples totalement bouleversées
D’un autre côté, les couples formés alors que la femme prenait la pilule montrent un plus faible taux de divorce et une plus forte satisfaction dans la relation (sauf en ce qui concerne la sexualité, où les couples formés sans pilule sont plus satisfaits). Pour caricaturer, on peut dire que la femme sans pilule opte plus facilement pour un « beau gosse » génétiquement compatible alors que sous pilule elle favorise d’autres critères plus favorables aux relations sur le long terme (stabilité économique, intelligence).
Cela ne va pas sans conséquences, notamment pour la paix des ménages, puisque la version d’une femme sous pilule peut opter pour un mari qui la laissera froide une fois la pilule arrêtée, et inversement. D’ailleurs, les femmes ayant choisi, sous pilule, un partenaire moins viril se montrent fortement attirées en période d’ovulation par d’autres partenaires plus virils lorsqu’elles arrêtent leur contraceptif… Pour Hill, cela suggère que « la pilule pourrait être en train de changer la face des relations de couples ».
Les super-pouvoirs de l’ovulation
La femme qui ovule serait-elle une wonder woman à son plein potentiel, plus attirante et performante d’un point de vue cérébral ? Autre question à laquelle la science apporte des réponses troublantes : de nombreuses études tendent à prouver que le cerveau des femmes en première partie de cycle (avant et pendant l’ovulation), baigné d’œstrogènes, les rend plus « intelligentes » et attirantes. Agissant comme des « fertilisants » du cerveau, les œstrogènes sécrétés à cette période du cycle augmentent les connexions neuronales et rendent leur peau plus douce, leur voix, leur odeur et leurs traits de visage plus attirants pour les hommes. La femme se sent également alors plus confiante et ouverte à de nouvelles expériences et rencontres.
Les hommes saisissent parfaitement ces signaux et se comportent différemment selon qu’ils font face à une femme potentiellement fertile (sans pilule) ou infertile (sous pilule).
Des études montrent par exemple que :
- les hommes sont bien plus attirés par les femmes en période d’ovulation.
- d'ailleurs, les strip teaseuses en pleine ovulation gagnent des pourboires 42 % plus élevés que leurs collègues sous pilule.
- les hommes en couples avec une femme sous pilule feraient moins d’effort pour la conserver que ceux en couple avec une femme sans pilule.
Sous pilule, pas toujours la vie en rose
Les femmes sous pilule n’ont pas ces avantages et présentent, qui plus est, un déficit drastique en cortisol. Or le cortisol permet de faire face correctement aux stress divers (positifs comme négatifs), augmente la vigilance, la mémoire, les capacités d’apprentissage et l’immunité. Ce moindre cortisol favorise non seulement prédiabète, maladies cardiovasculaires et auto-immunes ou prise de poids, mais expliquerait pourquoi beaucoup de femmes ont l’impression de voir leurs émotions « aplaties » sous pilule et de tout ressentir moins intensément.
Par ailleurs, les femmes sous pilule :
- répondent moins bien à l’ocytocine, hormone qui favorise l’attachement amoureux, maternel et sexuel.
- ont souvent une libido diminuée (20 à 40 % ressentent ce phénomène sous contraceptif hormonal).
- ont 50 % plus de chance de se voir diagnostiquer une dépression et ont deux fois plus de chance de se suicider.
Pour Hill, passer de la vie avec pilule à la vie sans serait l’équivalent de passer du son numérique à l’analogique (bien plus riche en nuances). La pilule changerait ni plus ni moins « la façon dont les femmes expérimentent la vie et le monde ». Tout cela à notre insu puisqu’il est « presque impossible de distinguer ce que nous font les hormones et ce que nous sommes » et que ces effets s’installent généralement très progressivement, sans que la femme puisse relier son état à son contraceptif.
Pour le meilleur et pour le pire
Si toutes ces conclusions sont issues d’une science récente et sujette à diverses interprétations, elles brossent toutefois des tendances globales passionnantes à observer et posent des questions vertigineuses. Évidemment – et heureusement – nos relations sont également régies par de nombreux autres paramètres de nos vies. Mais comme l’analyse Sarah Hill :
« Nous sommes prêts à fermer les yeux sur toutes les façons dont la pilule peut changer les femmes [car] nous avons tous envie de croire que le problème de la contraception est résolu [et] parce que nous ne pouvons tout simplement pas envisager de retourner vivre dans un monde où les femmes n'ont aucun contrôle sur leur fertilité. ».
Des voix se font aujourd’hui entendre pour demander que contraception ne rime plus forcément avec effets indésirables et que soit créée une concertation nationale afin de réfléchir au futur de la contraception. Par exemple, cette pétition lancée en mai 2019 a d’ores et déjà recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures : « Marre de souffrir pour notre contraception ».
Comme le dit sans détour le Dr Hill, les femmes « ne devraient pas avoir à changer qui elles sont pour se protéger des grossesses non désirées [et] nous devons chercher d'autres moyens de réguler notre fertilité afin d'offrir plus d'options1»
Quelques conseils du docteur Hill…
- Si vous pensez que votre contraception hormonale a une influence négative sur votre corps ou votre personnalité, la seule solution est d’opter pour une autre contraception, type préservatif, et de l’arrêter pour observer ce qu’il se passe.
- N’hésitez pas à parler sérieusement de vos effets secondaires sous pilule à votre médecin et s’il minimise ou ne vous écoute pas : changez-en !
- Évitez autant que possible de prendre la pilule si vous avez moins de 25 ans et êtes sans activité sexuelle. Le cerveau se développe particulièrement jusqu’à 20 ans et peaufine les détails jusqu’à 25 ans. Or les hormones sexuelles jouent un rôle vital durant la croissance sur la façon dont sont bâtis nos corps et nos cerveaux.
- Les contraceptions qui augmentent le plus les risques de dépressions sont (par ordre d’importance décroissant) : le patch, le DIU au levonorgestrel, l’anneau, les pilules avec estradiol valerate et dienogest, les pilules progestatives au desogestrel et les pilules oestroprogestatives à l’ethinyl estradiol et au levonorgestrel. Les contraceptions hormonales augmentent particulièrement les risques dépressifs chez les jeunes femmes de 15 à 19 ans.
- Si vous prenez ou arrêtez une contraception hormonale, tenez un journal de vos humeurs et de votre libido pour voir si vous observez des différences.
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